M’étant mis en tête de compléter mon Mic Locker, je suis parti à la chasse aux infos concernant ce qui se faisait actuellement en matière de microphone de qualité à prix raisonnable.
Ayant utilisé l’AKG C414 XLS de mon guitariste pendant des années, j’étais reparti sur cette référence polyvalente que je connaissais pour satisfaire mes besoins de prises voix et guitares, principalement. C’est en cherchant après des éventuelles reproductions de l’AKG C414 EB, la version vintage la plus acclamée de ce micro, que je suis tombé sur les créations d’Austrian Audio. Qui ?
Austrian Audio – Des cendres d’AKG
Si ce nom ne vous évoque pas grand-chose, c’est parce qu’Austrian Audio est un nouvel acteur dans le monde Pro Audio. La société a été créée il y a 2 ans par d’anciens employés de chez AKG successivement laissés sur le carreau après la délocalisation de la production en Asie, puis au rachat d’AKG par Harman/Samsung.
Ce savoir-faire, composé entre autres d’ingénieurs et acousticiens aux années d’expérience, s’est rassemblé avec pour objectif de raviver l’âme et le son du bon matos Made In Vienna. A ce stade, on retrouve 2 micros et 2 casques dans leur gamme de produits, en plus des services de mesures et de tests pour les fabricants (notamment hi-fi).
Une histoire de capsules
Côté micros, Austrian Audio a concentré ses efforts sur le développement d’un digne successeur à la célèbre capsule en laiton CK12 qui a fait la renommée de micros vintage tels que les AKG C12 et C414 ou les Telefunken/Elam M250 et M251 – le mojo autrichien.
La Brass CK12 avait été abandonnée au fil des années par AKG, car malgré d’indéniables qualités sonores, elles étaient extrêmement complexes à produire et la conception obligatoirement manuelle de celles-ci en faisait un matériel onéreux, conçu à des cadences peu en phase avec les besoins d’une production industrielle. Elle fut remplacée par des capsules en Téflon puis en nylon et plastique selon les époques, bien plus faciles et moins chères à concevoir. Ces remplaçantes, non dénuées de qualités, n’arriveront cependant pas à faire oublier les premières capsules en laiton.
Austrian Audio a revisité le design de la CK12 pour créer la CKR12, une nouvelle capsule moderne au pédigrée vintage. Pas une copie, une évolution.
Leurs ingénieurs ont mesuré minutieusement les meilleures CK12 à leur disposition et se sont mis en quête de trouver d’autres techniques et matériaux pour arriver à un résultat probant digne des micros qui font office de références.
On notera principalement l’utilisation de la céramique noire pour remplacer le fameux laiton. Il a l’avantage d’apporter le poids nécessaire à la capsule pour restituer au mieux le bas du spectre (ndlr : par rapport au plastique) en plus d’apporter une meilleure isolation électrique (que le laiton).
Si la production des CKR12 se fait à la main dans leurs ateliers à Vienne, le processus est quant à lui plus simple à mettre en oeuvre et offre une fiabilité supérieure qu’à l’époque (ou un taux de déchets moindre, c’est selon).
La conception est annoncée tellement fiable que la marque indique que n’importe quel micro peut se combiner à un autre pour faire une paire matchée à +/- 1dB. N’ayant acquis qu’un seul micro, je ne me prononcerais pas là-dessus, mais c’est une belle promesse (un brin osée ? A votre place, j’opterais quand même pour une paire matchée directement en cas de besoin – par sécurité).
Open Condenser
Austrian Audio propose donc 2 microphones à condensateur articulés autour de sa large membrane CKR12 : l’OC18 cardioïde et son grand frère multipattern l’OC818.
Ils sont proposés dans un large châssis ouvert (OC, pour Open Condenser) qui permet une meilleure isolation de la membrane, fixée en 3 points et suspendue dans le cadre, plutôt que fixée sur un socle à la base de la membrane et du corps du micro (cf photo CK12/CKR12 dans le paragraphe précédent). Cela laisse un champ direct (libre) limitant les interférences dues à des sources secondaires réelles ou constituées de réflexion à l’intérieur du micro.
La forme générale du châssis et de la grille de protection sont à l’image du micro : un mélange de vintage et de moderne au look facilement reconnaissable.
Atypique et sexy, j’aime beaucoup.
En le manipulant, on se rend compte qu’il n’est pas que joli : la finition est impeccable, respire la solidité et le travail bien fait. Clairement, ce n’est pas un jouet !
On différencie les modèles en fonction de leur couleur : L’OC18 est noir, tandis que le châssis de OC818 est d’une teinte champagne.
Spécifications :
• Impédance: 275 Ω (symétrique)
• Load impédance: > 1 kΩ
• Fréquences : 20 Hz – 20 kHz
• Sensibilité : 13mV/Pa
• Equivalent noise level : 9 dB SPL (A)
• Max SPL: 148 dB SPL (158 dB SPL)
Ils partagent un switch de pad -10dB et -20dB pour réduire la sensibilité, ainsi qu’un High Pass Filter pour couper les fréquences basses à partir de 40Hz, 80Hz ou 160Hz.
Notez que ce sont des switchs physiques et non des LED qui indiquent les différents réglages : vous pouvez donc voir à tout instant la config mise en place, même sans alimentation.
OC818 : Multipattern à double sortie
Là où s’arrête l’OC18 avec son unique pattern cardioïde, l’OC818 propose le choix entres les directivités Figure-8, Hypercardioid, Cardioid, Omni et un preset configurable.
Cette itération de l’OC est équipée d’une double sortie XLR standard et XLR mini (avec adaptateur fourni) qui permet, lorsqu’elles sont connectées toutes les deux, de faire fonctionner le mode cardioïde en dual cardioïde. Vous pouvez alors enregistrer séparément l’avant et l’arrière du micro sur des pistes séparées.
Si nécessaire, le plug-in PolarDesigner d’AA vous propose d’appliquer la directivité qui convient le mieux à votre mix après enregistrement.
PolarDesigner
Le plugin permet d’activer de 1 et 5 bandes de fréquences sur lesquelles on peut choisir indépendamment la directivité, le gain, l’EQ ou carrément de couper certaines plages. Si vous êtes perdu (ou simplement pour gagner du temps), la section « Terminator Control » vous permet d’analyser vos pistes et de laisser le plugin vous suggérer un réglage cohérent qui va servir de base à vos expérimentations.
Un réglage supplémentaire permet de gérer l’effet de proximité accentuant ou diminuant les basses.
Bien que développé spécialement pour l’OC818, le plugin PolarDesigner est open-source et peut s’utiliser avec d’autres micros proposant une double sortie (Lewitt LCT 640 TS, Townsend Lab L22 Sphere, Sennheiser MKH 800, …).
Ce type de traitement est particulièrement pratique pour des captations live à plusieurs instruments, pour des prises guitare/voix, ou quand l’OC818 est utilisé en micro d’ambiance : le PolarDesigner permet de gérer la repisse et d’affiner la balance globale. (Le mieux étant de gérer tous ces aspects avant l’enregistrement ; mais ce n’est pas toujours faisable dans la pratique.)
Je n’enregistre pas de batterie, je ne peux pas vous dire ce que j’en pense, mais j’imagine que ça doit être plutôt pratique d’adapter la réponse des overhead ou le snare/charleston selon l’humeur du batteur.
Cette possibilité d’enregistrer les 2 faces de la capsule trouve aussi son intérêt pour les voix. Dans le cas d’un duo où les chanteurs se font face, évidemment, mais aussi dans à plusieurs chanteurs peuvent se disposer de part et d’autre d’un seul micro pour faire des ensembles ou choeurs.
J’y vois aussi un outil créatif intéressant pour des back voices. J’utilise la piste de la capsule arrière pour y appliquer différents traitements que la source principale ; en coupant parfois allègrement dans certaines fréquences et en boostant d’autres pour venir vraiment compléter la voix lead principale.
Je teste généralement le PolarDesigner en premier, avant de voir comment j’exploite les différentes captations. Parfois, la piste fini simplement à la poubelle, car je combine souvent 2 ou 3 micros différents par prise voix et choisis les plus pertinentes ; celles qui matchent le mieux. Au final, tout dépend du projet et de la performance vocale du chanteur ou de la chanteuse. C’est fort pratique en tout cas ; un outil en plus !
OCR8 & PolarPilot
En option, le module Bluetooth OCR8 vient se connecter sur la prise mini XLR de la deuxième sortie. Il vous permet de contrôler précisément le pattern du micro à distance grâce à l’application PolarPilot qui vous laisse choisir parmi une des 255 déclinaisons de directivité entre le cardioïde et la figure-8, ainsi que les différentes options de pads et de highpass.
Ce réglage de directivité se fait via un contrôleur de tension qui gère la polarisation des membranes : la captation et le signal sont traités entièrement analogiquement tandis que le numérique pilote séparément le contrôleur de tension (= la « sensibilité » de la membrane).
Votre pattern préféré peut se stocker dans le micro en permanence et se rappelle en sélectionnant la directivité « preset » (rond noir) – sans avoir besoin de connecter l’OCR8.
J’imagine très bien la facilité qu’on peut trouver à tester différentes directivités en overhead batterie à partir de la console ou de la control room.
Je n’ai personnellement pas besoin d’un contrôle aussi précis de la directivité et, à ce stade, je suis toujours à portée du micro pour changer de pattern manuellement. Je n’ai donc pas acquis cet OCR8, mais c’est une possibilité intéressante, plutôt unique sur le marché actuellement.
En action
L’OC818 offre une captation claire, détaillée et très équilibrée. Il peut encaisser de gros volume avant de saturer ; c’est très propre, sans être transparent ou stérile pour autant. Le rendu est réaliste, fidèle à la source, sans coloration particulière.
Il ne manque rien, tout est là : les basses sont profondes et les médiums sont riches, mais pas spécialement mis en avant. En haut du spectre, les aigus sont aériens sans être fluets ou ciselant et de manière générale, me semblent plus « flattés » par l’OC818 que par le C414.
Si besoin, il digère très bien les traitements d’égalisation, sans jamais devenir criard ou agressif.
Cela donne un son plein, avec du corps à souhait, qui n’est jamais sourd ou bassy. L’OC818 est un peu plus bright que le C414 XLS, mais moins que les émulations de C12 issues du Sphere L22 (dont je vous parlerai prochainement).
Les voix chuchotées ou gueulées passent très bien l’une et l’autre. J’ai un peu moins de sibilance qu’avec l’AKG, bien que ma voix ne soit pas spécialement sifflante. L’OC818 a également plus de corps que le C414 XLS ; c’est très agréable sur ma voix (qui n’en manque pas spécialement), mais aussi sur des voix féminines.
Cela se ressent également sur les prises guitares électriques où le son est plus « plein ». J’étais assez content des prises XLS+SM57 que je faisais avant, mais je préfère carrément l’OC818 (avec ET sans le SM57 en complément, ils se marient très bien, mais ce n’est pas toujours nécessaire) ! Les overdrives rendent vraiment bien, et de manière général, tous les sons avec pas mal de médiums.
Côté guitare acoustique, c’est super aussi ! Le son est vivant, détaillé et très naturel. Lors des prises guitares/voix, la réjection hors axe me semble meilleure que sur l’AKG (ndlr : je n’ai pas une expérience suffisante pour juger par rapport aux références du marché, mais ça me semble plutôt bon / suffisant pour mon usage).
J’ai été agréablement surpris par le rendu du micro face à un ampli basse. Le bas du spectre possède pas mal de punch, que le C414 a moins. Il semble plus resserré et du coup, plus percutant. Ce n’est pas le micro auquel j’aurais pensé pour enregistrer des lignes basses, mais ça le fait carrément ! #GoodToKnow
Giant Killer
Je suis donc particulièrement ravi de mon OC818. Le look atypique, le son et les différentes options facilement accessibles en font un micro vraiment polyvalent. Peu importe la source captée, j’ai l’impression qu’on ne peut pas être déçu avec ce micro (à voir sur les batteries, piano et cuivres que je n’ai pas testés).
Ai-je sous la main un futur néo-classique des studios ? Le temps nous le dira, mais je mise volontiers dessus. Plus je l’utilise, plus je l’apprécie.
Si on discerne une filiation avec le C414 XLS, ça n’en reste que de lointains cousins. Ils ont en commun ce côté passe-partout et rendront de fiers services à leurs utilisateurs.
Côté tarif, le micro se positionne dans la partie basse des micros de sa catégorie. J’ai profité de la promo de lancement chez Funky Junk à l’automne dernier pour l’acquérir à 820€ – une véritable affaire pour un micro de cette qualité ! L’OC818 Studio set (avec ses accessoires donc) s’affiche à 999€ TTC en temps normal.
Je vous laisse sur une petite interview Martin Seidl d’Austrian Audio qui vous donnera encore plus d’info sur ce très beau micro.