Pendant notre périple à Londres, un détour par la Denmark Street s’imposait pour le fana d’instruments que je suis. Il s’agit d’une rue entièrement constituée de magasins d’instruments de musique en tout genre.
La passion prenant souvent le dessus une fois que je rentre dans shops bien achalandés, je m’étais préparé mentalement à ne faire que du lèche-vitrine. Fallait pas non plus se mettre trop en retard sur notre planning de visite 😉
Gladys insistant pour visiter l’intérieur des différentes enseignes, j’avais argué accepter de ne rentrer dans un magasin qu’à la condition que quelque chose de spécial en vitrine m’attire.
On passe de vitrine en vitrine pendant une vingtaine de minutes et je sors de la Denmark Street des étoiles plein les yeux, mais sans avoir sorti le portefeuille. Victoire ! Sauf que…
On n’a pas fait 100 mètres que je repère de loin une magnifique basse Hofner en finition Union Jack dans une vitrine sur un coin de rue. Nous arrivions sur Charing Cross Road.
Après un petit check de plus près de la vitrine où je découvre plein de fuzz rares au pied de la belle Hofner, Gladys m’incite encore une fois à y entrer. Je craque et pénètre dans ce beau magasin, sans même regarder l’enseigne.
Macari’s
Après avoir salué les vendeurs au comptoir près de l’entrée, mes yeux sont directement attirés vers le haut du passage qui mène à la suite du magasin. Fixée au mur, une impressionnante collection de Fuzz Solasound / Colorsound et leurs imposants boitiers dédicacés fait face à nous. Waouw. Je reconnais de loin les autographes de Jimmy Page, Dave Grohl ou Chris Martin, … Bref, pas des petits joueurs 🙂
Par chance, il n’y avait pas grand monde à ce moment de la journée. Nos têtes de touristes ont surement du mettre la puce à l’oreille des conseillers et nous avons été vite rejoint par un monsieur grisonnant qui se présente comme étant le patron, Anthony Macari. Je le complimente pour son magasin, il entreprend de faire le tour avec nous.
Macari’s est l’un des premiers marchands de guitares à s’être installé sur Denmark Street en 1958, avant que l’émulation ne transforme la rue en repère à instruments. Ils ont déménagé plusieurs fois (notamment dans les anciens locaux de JMI/Vox) avant d’ouvrir ce 2ème magasin à 2 pas, au 92-94 Charing Cross Road. C’est une enseigne historique en Angleterre !
On y retrouve un choix vraiment génial d’instruments, avec des valeurs sures et pas mal de curiosités en tout genre. Une gamme vraiment ésotérique et sélectionnée avec beaucoup de goûts, aussi bien en guitares électriques, acoustiques qu’en basses et effets.
En passant devant de très belles Gibson Custom Shop, nous arrivons sur des guitares Loic LePape exposées.
Lorsque je lui montre les photos des miennes, la conversation s’engage plus largement, malgré mon anglais oral pas toujours à la hauteur. J’en arrive à le féliciter pour sa collection de pédales dans l’entrée, en lui confessant que j’étais moi aussi un grand fan de fuzz.
Il m’interpelle alors d’un air amusé : « Vous ne savez pas du tout où vous êtes, pas vrai ? »
Sola Sound / Colorsound
Anthony m’apprend que Macaris est également la maison mère de Sola Sound ; la société soeur qui a créé la célèbre Tone Bender en 1965 ! Si je connaissais la marque et ses pédales, je ne connaissais pas son histoire et son lien avec le magasin. Mon coeur ne fait qu’un bond (un bend 😀 ) !
Il me raconte l’histoire incroyable de l’entreprise familiale : une famille intimement lié à l’histoire (du son qui a bâti le) Rock.
D’anecdote en anecdote, je découvre les nombreux liens avec la société d’amplification JMI/Vox, le génie de Dick Denney, inventeur du Top Boost pour l’AC30 de Vox ou encore l’ingénieur Gary Hurst, concepteur de la célèbre Tone Bender (une modification du circuit de la Maestro FZ-1 de Gibson).
D’autres circuits fuzz existaient déjà à l’époque, mais de manière plus confidentielle ; à la manière d’un custom work à la demande (Roger Mayer pour Jimmy Page, par exemple).
Les fondateurs, Larry et Joe Macari, allaient être les premiers à commercialiser à grande échelle la création de Gary sous la marque Sola Sound, avant que la Fuzz-mania s’empare du monde de la guitare et que de nombreux clones apparaissent (déjà à l’époque !).
Anthony est le fils de Joe. On sent qu’il a baigné dans cet univers depuis qu’il est né. Sa passion et son enthousiasme sont communicatifs, tandis que mon intérêt et mon émerveillement l’incitent à plus de confidences.
J’apprends que c’est la très réputée société D*A*M Pedals qui fabrique la majorité des Sola Sound aujourd’hui. Parmi les différents objectifs de la boite : répondre aux critiques sur le prix exorbitant de leurs pédales en sortant une fuzz à moins de 150£. A ses dires, la future CA Bum Fuzz (CA pour Cheap Ass) est en cours de finalisation et sera disponible dans les 2 semaines.
Monsieur Macari m’entraine alors dans l’arrière-boutique du magasin pour me montrer « quelque chose que vous ne verrez probablement jamais d’aussi près ».
Il déballe alors The One, la Tone Bender MKII de Jimmy Page himself, qui allait repartir de l’atelier après un entretien et une étude approfondie afin d’en produire une petite quantité de reissue à l’identique. Je n’ai pas de mots.
Il me montre également diverses archives, comme les reçus avec la signature de Page, les différents schémas originaux et autres photos. Ces clichés, il nous les montre dans un grand livre jaune sur l’univers de la Tone Bender.
Anthony Macari & Gary Hurst
Level & Attack : The Untold Story of the Tone Bender
Ce gros livre jaune est en réalité le travail d’archivages et de témoignages réalisé par Anthony et Steve Macari, les propriétaires actuels.
« Level & Attack : The Untold Story of the Tone Bender » consiste en 248 pages de magnifiques photos haute définition, scans de contrats et schémas originaux, ainsi que des témoignages et interviews de personnalités telles que J Mascis, Kevin Shields, Tony Joe White, Dick Taylor, Edwyn Collins, Little Barrie, Warren Ellis, Steve Hackett, Bernard Butler, Jake Rothman ou Alan Murray.
Le livre raconte l’histoire des différents modèles de la Tone Bender. De la MKI des origines (Beatles/Bowie/Mick Ronson), à la la légendaire MKII (Led Zep 1), en passant la version intermédiaire MK1.5 et ses 2 transistors, qui allait servir de base à la future Fuzz Face d’Hendrix.
En outre, les modèles MKIII, MK IV, SUPA, JUMBO, Rebirth, Yellow ont droit à leur chapitre, tout comme D*A*M et Sola Sound.
Chaque chapitre est éclairé d’instructives interventions de David Main, le patron de D*A*M, qui précise les aspects techniques pour les plus geek d’entre nous. L’ouvrage a été tiré à 500 exemplaires et est numéroté et signé par les frères Macari.
On n’allait pas partir les mains vides
Après plus d’une heure de visite, anecdotes et petits cafés, il était temps pour nous de prendre congé de notre charmant hôte en le remerciant pour son précieux temps, son chaleureux accueil et le moment magique qu’il venait de nous faire vivre.
La C A Bum Fuzz n’étant pas encore disponible au magasin, je l’ai payée sur place et suis reparti avec un exemplaire de Level & Attack pour approfondir la belle histoire qui venait de m’être introduite. Je me réjouis de me poser avec le livre et de confronter les infos avec celles de la (super) Timeline de la ToneBender réalisée par Bigmuffpage.com. Quant à la CA Fuzz, elle devrait arriver par la Poste d’ici 2-3 semaines 🙂
Allez-y, c’est bien !
En plus de la traditionnelle Denmark Street, je recommande vivement à tous les musiciens de passage à Londres de faire un arrêt chez Macari’s Guitar Shop sur Charring Cross Road. Un morceau d’histoire du (matos qui a fait le) Rock à visiter une fois dans sa vie.
Le fan des Beatles va à Abbey Road, le fan de matos va chez Macaris. Et moi, je vais aux 2 😛
Period.