Après vous avoir détaillé l’installation de nos nouvelles zones de culture en pleine terre, je voulais revenir avec vous sur les différents amendements que l’on peut apporter pour améliorer le sol de son potager
Voici un petit topo des choses à faire, avec le détail de notre « lasagne d’amendements » à titre d’exemple.
PRÉPARATION & ANALYSES
Dans l’optique de concevoir un sol vivant en non-labour, les amendements vont aider à reconstituer une couche supérieure de substrat optimale pour la culture potagère.
Mais avant d’amender, il est intéressant de connaitre son sol pour mieux le nourrir, et donc cultiver.
Je vous renvoie aux différents tests à réaliser pour connaitre les qualités et les défauts de votre jardin :
De notre côté, nous avons pu déterminer que nous étions en présence d’une terre argilo-limoneuse, légèrement acide, avec une bonne présence de vers… et de terre de remblais orange.
Ce n’est pas top, mais cela aurait pu être pire 😅
ENGRAIS vs AMENDEMENTS
Avant d’aller plus loin, rappelons deux concepts essentiels :
- L’engrais nourrit la plante directement
- L’amendement nourrit le sol, qui nourrit la plante à son tour
Si le sol est suffisamment riche, il n’y a pas (ou peu) besoin d’engrais : d’où l’intérêt d’amender conséquemment et correctement 👍
Qui dit amendement de sol vivant, dit apport de matière organique, véritable nourriture pour les micro-organismes, les mycorhizes et autres vers de terre nécessaires au bon fonctionnement du système.
On pourra également ajouter des composants minéraux pour aider à décompacter le sol, augmenter sa rétention en eau et l’enrichir en oligo-éléments.
L’assimilation de ces apports prend du temps, contrairement aux engrais. Il faut plusieurs mois, parfois des années pour que les nutriments soient rendus disponibles pour nos cultures.
LA TERRE, CE SYSTÈME DIGESTIF GÉANT
Il faut imaginer la terre comme un gros système digestif qui va se nourrir de toutes les matières organiques déposées en surface.
Pensez à la structure légère du sol des forêts : les feuilles mortes, branches, arbres, animaux morts, … se font digérer par toute une chaîne de vie qui rendra à son tour le fruit de l’assimilation de tous ces nutriments au sol.
En résulte une terre noire aérée, riche en vie microbienne, oligo-éléments et champignons mycorhiziens. C’est l’objectif 🤩
On ne peut pas tout changer…
Rappelons que votre sol dépend aussi de son profil pédologique et que, pour faire court et simple, vous ne pourrez pas modifier la roche mère et ses interactions avec les autres couches sous vos pieds 😉
On agira principalement en surface, en essayant de contrer les inconvénients de la nature profonde de son sol. Ne soyez pas pressé, il faut en général plusieurs années pour corriger une terre.
… mais on peut « tricher » un peu 😜
À moins de décaisser votre jardin sur plusieurs mètres de profondeur et de remplacer intégralement votre terre, vous n’aurez pas la possibilité de changer drastiquement les propriétés de votre sol.
Pour s’en affranchir, il est possible d’opter pour de la culture sur buttes, de cultiver en bac ou carrément hors sol (en pot, jardinière, en tours verticales encore en hydro/aquaponie par ex.).
De notre côté, nous allons composer petit à petit un sol en surface, pour arriver à un résultat entre le bac de culture et la butte de permaculture, soit environ 20 cm hors sol, 25 cm dans le sol + décompactage du fond pour laisser un chemin aux racines pour aller plus bas. En théorie🤞
LES DIFFÉRENTS AMENDEMENTS DU SOL
LES AMENDEMENTS MINÉRAUX
Les amendements minéraux sont issus de roches naturelles broyées ou d’extractions marines (sable coquillier, lithothamne constituant du Maërl (chaux d’algues marines, …)).
Ils vont principalement corriger le pH et travailler la structure du sol, ainsi qu’apporter toute une série d’oligo-éléments indispensables tels que le Bore (B), Cadmium (Cd), Calcium (Ca), Cobalt (Co), Cuivre (Cu), Fer (Fe), Magnésium (Mg), Manganèse (Mn), Molybdène (Mo), Nickel (Ni), Potassium (K), Sélénium (Se), Sodium (Na), Soufre (S) ou Zinc (Zn).
Les amendements minéraux se font généralement à l’automne ou au début du printemps.
Quelques exemples :
• Pour réduire l’acidité : Chaux calcique ou magnésienne, la chaux d’algues marines (Maërl à base de lithothamne), la dolomie, l’iridol (dolomie sèche), le sulfate de Fer (action rapide) ou de la cendre de bois (Ca, Mg, Fe, Mn, K).
• Pour acidifier votre terre : avec du soufre, du sulfate de fer (terre argileuse)
• Pour la nourrir : Kiesérite (Mg), Patenkali (Potasse et Mg), Gypse (Assimilation N), Sulfate de potassium (K).
• Pour structurer, selon votre type de sol :
– L’argile, comme la bentonite, est idéale pour retenir l’eau et les éléments nutritifs plus longtemps dans les sols sablonneux et légers.
– Le sable grossier de maçonnerie ou la vermiculite permettent d’aérer les terres argileuses.
– Incorporée dans la couche supérieure (10-15 cm) sous forme de granule ou de poudre, la lave volcanique décompacte les sols argileux pour faciliter l’enracinement.
– Le basalte permet quant à lui d’augmenter la résistance contre les maladies et aérer la terre, notamment des sols sableux.
LES AMENDEMENTS ORGANIQUES
Contrairement à la forêt qui « prend ce qui passe » pour constituer sa litière, nous pouvons choisir ce que nous apportons en guise de nourriture à notre potager.
Comme pour le compostage, il est important de connaître le rapport carbone/azote (C/N) de vos matières organiques afin de les incorporer au bon moment dans vos cultures ; que cela soit en amendement pour passer l’hiver ou en paillage/compostage de surface pendant l’été.
Rapport Carbone / Azote
Le rapport carbone (C) sur azote (N) est un indicateur de la capacité d’un produit organique à se faire décomposer par les micro-organismes du sol. Un ratio de 10 signifie que pour 1 atome d’azote, on retrouve 10 carbones.
Plus la matière organique est chargée en carbone (= C/N élevé), plus elle nourrit de micro-organismes qui auront besoin d’azote et de temps (parfois de mois, années) pour les digérer.
LE BRUN
Cela regroupe toutes les matières ligneuses comme la paille, les écorces ou la sciure de bois. Ces matières organiques sont particulièrement riches en carbone, indispensable à la vie du sol.
Mais lorsque le C/N de l’amendement est supérieur à la fourchette de 25-30, il y a « trop » de carbone à digérer pour les micro-organismes.
Ces derniers puiseront l’azote nécessaire à leur bon fonctionnement dans les ressources disponibles et provoqueront ce qu’on appelle « une faim d’azote », en s’accaparant les réserves du sol, au détriment des plantations.
Ce n’est pas ce qu’on cherche dans le cadre d’un potager productif : on évitera donc d’en apporter pendant les cultures 💡
LE VERT
Cette matière organique verte englobe tout ce qui est déchets de tailles, coupes et autres fanes et fumier frais – des matières encore souples et riches en azote.
Leur C/N est inférieur à 25, ce qui fait que les micro-organismes vont libérer l’azote en excès et le rendre disponible pour les plantes. Les valeurs C/N les plus faibles (jusqu’à 7) peuvent presque être considérées comme des engrais tant leur disponibilité est rapide.
Et donc ?
En connaissance de cause, on apportera idéalement des matières organiques avec un C/N compris entre 10 et 20 pendant les cultures. On préfèrera les amendements plus carbonés en fin de saison, pour passer l’hiver par exemple.
Voici un résumé des C/N les plus courants, faites vos choix en fonction de ce que vous avez à votre disposition à proximité/gratuitement :
MATIÈRES ORGANIQUES | Rapport C/N |
---|---|
Urine | 0,8 |
Jus d’écoulement du fumier | 1,9 à 3,1 |
Déchets d’abattoir mélangés | 2 |
Sang desséché | 2 à 3 |
Poudre d’os | 5 |
Matières fécales humaines | 5 à 10 |
Matières végétales vertes (sans tiges) | 7 |
Humus, terre noire | 10 |
Compost de fumier (8+ mois de fermentation) | 10 |
Gazon tondu | 10 |
Fientes de volailles | 10 |
Lombricompost | 12 |
Déjections d’animaux domestiques | 15 |
Compost de fumier mûr (4 mois, sans adjonction de terre) | 15 |
Fanes de légumineuses | 15 |
Luzerne | 16 à 20 |
Algue | 17 |
Fumier frais pauvre en paille | 20 |
Déchets de cuisine, reste de légumes | 20 à 25 |
Foin | 20 à 30 |
Fanes de pommes de terre | 25 |
Compost | 30 à 35 |
Aiguilles de pin | 30 |
Fumier frais avec avec paille abondante | 30 |
Tourbe noire | 30 |
Feuilles d’arbre (à la chute) | 20 à 60 |
Déchets verts de plantes (mélange tiges, feuilles,…) | 20 à 60 |
Tourbe blonde | 50 |
Paille d’avoine | 50 |
Paille de céréales | 50 à 150 |
Bois raméral fragmenté (BRF) | 60 à 150 |
Paille de seigle | 65 |
Ecorce | 100-150 |
Paille de blé | 150 |
Cellulose (papier, carton) | 150 |
Sciure de bois décomposée | 200 |
Sciure de bois feuillus (jeunes feuilles) (moyenne) | 150 à 500 |
Biochar | 400 à 600 |
AMÉLIORER SON SOL
Voici un résumé des différentes améliorations possibles selon le profil de votre sol et des défis qui vous font face.
N’hésitez pas à me corriger ou à compléter cette liste d’astuces dans les commentaires ! 🙏
EXEMPLE AU JARDIN
Pour rappel, après avoir tondu la pelouse à ras, nous avons retourné les mottes d’herbes et travaillé la terre très argileuse en la décompactant à coup de (petite) motobineuse, grelinette, griffes et râteau sur une profondeur de 20-25 cm.
Une fois décompactée, nous avons amendé en deux temps avec les ressources que nous avions sous la main, ainsi que quelques apports extérieurs.
AMENDEMENTS HIVERNAUX
Voici le détail de notre « lasagne d’amendements » hivernale, réalisée au mois d’octobre.
Biochar
Tout d’abord, nous avons incorporé du biochar dans le terre fraichement retournée.
Ce bois pyrolysé a pour but d’alléger la structure du sol tout en lui apportant des minéraux, une rétention accrue en eau et nutriments, ainsi qu’un refuge idéal aux micro-organismes et champignons. Je me suis fourni à la Ferme du Ponceret à Bastogne (Belgique).
Une partie du biochar a été épandu sec/brut dans le but de servir d’éponge aux nutriments qui s’écouleront du haut de la lasagne, de servir de nourriture aux vers de terre et à « délier » les molécules d’argiles.
La deuxième partie de l’épandage s’est fait avec du biochar « chargé » ; c’est-à-dire qu’il a fait trempette 24h dans un seau rempli des restes d’engrais liquides que j’avais.
Incorporées à la base de notre litière de culture, ces particules ainsi chargées de nutriments devraient être une ressource de nourriture bienvenue pour nos futures plantations.
Je ferai un article dédié sur les multiples propriétés de ce magnifique amendement 😍
Les bons restes
Rien ne se perd : j’entasse ensuite les restes de terre de jardinières, pots et autres mottes / racines terreuses de fin de cultures (sans maladies, en prenant soin de les broyer). Même si le terreau a été bien vidé de ses éléments nutritif pendant les cultures, cela reste une matière première de premier choix, à qui on va redonner du peps grâce aux amendements.
Pour terminer, il restait du BRF (paillage des bacs de la serre) de la saison passée et de la paille semi-décomposée (du poulailler) qui ont trouvé un endroit où terminer leur cycle 😉
Carton
Initialement, le carton a pour but d’éviter la repousse d’adventices en occultant la lumière, même si les couches supérieures de la lasagne (voir points suivants) remplissent également ce rôle.
Deuxièmement, le carton est riche en cellulose et a l’avantage de se décomposer assez vite. Voyez cela comme un snack carboné pour la vie du sol – les vers de terre adorent 😍
Choisissez un carton brun non imprimé, sans colle ni agrafes ou résidus de tape.
Rappelons néanmoins que la meilleure utilisation du carton reste son recyclage ♻️ C’est une ressource que j’ai une abondance au magasin, dont la majorité repart en déchèterie. N’achetez pas du carton expressément (déjà vu 😪) !
Tonte de gazon & Fanes diverses
L’opération de valorisation des ressources disponibles continue avec les dernières tontes de l’année et les fanes des cultures terminées qui viennent recouvrir le carton.
Cela fera un petit apport en azote supplémentaire, nécessaire à digérer le carbone de la dernière couche.
Feuilles mortes
Dernièrement, j’ai apporté toutes les feuilles que j’ai pu récolter sur la propriété (et un peu chez le voisin, ravi que je le débarrasse).
Les feuilles d’érables et de chêne fraichement tombées sont passées un petit coup sous la tondeuse, histoire de faciliter la décomposition.
La lasagne va digérer tout cela d’octobre à mars sous une toile de paillage maraichère de 130 gr (Lonodis Pro haute résistance 140cm pour la ref’), avant un dernier petit coup de boost.
CORRECTIONS PRÉ-PLANTATIONS
Nous sommes donc début mars et j’ai profité d’un weekend pas trop humide pour faire l’état des lieux et terminer les apports en vue de la saison potagère 2024.
Le premier coup d’oeil est plutôt positif, car il ne reste quasiment plus rien des amendements de surfaces. Il reste quelques feuilles et un peu de paille ci et là, mais tout a été digéré pour la grosse majorité.
Par contre, la texture du sol est toujours très compacte 5-6 cm en dessous.
Contraint et forcé, je passe à nouveau un coup de motobineuse et de grelinette pour mélanger les couches et tenter d’aérer ce sol argileux.
J’apporte ensuite les derniers amendements avant de laisser le sol tranquille pour la saison.
Terreau horticole
J’opte depuis des années pour la marque belge DCM – De Ceuster Meststoffen avec beaucoup de satisfaction jusqu’ici 👌
J’utilise 3 produits bio de chez eux : Le terreau légumes & aromatiques d’une part, le compost Vivimus légumes & fruits d’une autre et un mix de fumier séché (voir plus bas) en complément.
Vu le niveau relativement bas de la terre « après digestion », j’ai complété la couche supérieure des planches de cultures avec « quelques » sacs de terreau (environ 600 litres par planche de 6 mètres sur 120 cm de large, pour rappel).
Lombricompost
À la place du compost DCM Vivimus que j’utilise habituellement, j’ai opté cette année pour du lombricompost de la marque belge Pur Ver.
Si le compost fonctionne déjà bien, les promesses du lombricompost sont encore supérieures en termes de nutrition et de stimulation des micro-organismes du sol. En résumé, les vers de terre absorbent des matières organiques, puis la rejettent fortement enrichis de nutriments directement absorbables par les plantes.
Mélangé au terreau, le lombricompost devrait maximiser les prochaines productions.
J’y reviendrai également dans un article dédié prochainement (ndlr D’autant plus que j’envisage un lombricomposteur à la maison).
Activateur de sol / Mycorhize
En prévision de la plantation du verger (projet entre temps avorté/reporté), j’avais acquis une bonne quantité de Bactériosol, un activateur de sol supposé ensemencer la terre en diverses souches de mycorhizes et ainsi développer la partie champignon du sol.
Sur le terrain, j’avais initialement prévu de faire des planches avec et sans Bactériosol, histoire de voir l’efficacité du produit. Je ne ferai pas de tests à la maison (4 planches, seulement 😪) et j’ai garni tous les bacs de granulés. Maximisons nos chances 😅
Fumier Vache – Poule – Cheval
Dernièrement, j’ai épandu le mix DCM de fumier séché de vache, poule et cheval en prévision des premières plantations qui arriveront déjà d’ici un mois (pomme de terre début avril, selon la météo).
Avec tout cela, nous mettons un maximum de chances de notre côté. Il n’y a plus à espérer que la météo soit clémente… et croiser les doigts ! 🤞
ALEA JACTA EST
L’ensemble repart sous bâches maraîchères jusqu’aux plantations. Cela laissera le temps aux champignons de se développer et aux engrais d’être dispersés dans le sol.
Deux planches seront occupées par les pommes de terre dans un mois, tandis que les deux autres attendront les Saints de Glace (ou un peu plus) pour accueillir leurs plants – soit presque 3 mois.
On a fait de notre mieux, on espère que les amendements porteront leurs fruits (et légumes)🤞
Il sera encore temps de continuer à corriger le sol l’année prochaine – le temps nous le dira ⏳
De votre côté, j’espère que vous aurez trouvé les informations que vous cherchiez en venant sur mon modeste blog. N’hésitez pas à vous exprimer en commentaires si vous avez des questions, suggestions ou corrections.
La suite des aventures potagères : ce sont les semis, qui vont commencer le weekend prochain 🌱 ☀️