Dans ma quête de nouvelles sonorités, encouragée par les derniers enregistrements de City Echoes, je m’intéresse depuis quelques mois à l’univers des synthétiseurs ; bien loin de mon terrain de prédilection à 4 ou 6 cordes.
Je n’ai pas l’expérience et le background nécessaire pour juger de la qualité d’une machine tout en les situant par rapport à la concurrence et autres modèles originaux (bien que…). Donc, à défaut de vous proposer une review digne d’intérêt sur les machines en soi, ce billet de présentation vous détaillera quelque peu ma réflexion quant à la stratégie d’acquisition avec les aspects que j’ai aimés sur les différentes machines. En espérant que cela puisse guider certains d’entre vous.
Point de départ
Je possède depuis plusieurs années un Roland GAIA, une bécane assez fun et facile d’utilisation, mais qui ne fait pas dans la délicatesse niveau traitement du son. Ça m’a permis de comprendre les subtilités de réglages des différents composants d’un synthé et, ça nous à bien dépanné/inspiré dans nos compos avec City Echoes.
Ne sachant pas jouer de piano, je n’aurais de toute façon pas su exploiter d’éventuelles simulations acoustiques : je m’oriente donc à nouveau vers les synthétiseurs.
J’avais découvert la gamme Nord lors d’une porte ouverte et j’avais été séduit à la fois par les possibilités que par les sonorités et le look. Avant de commencer mes recherches et demandes de renseignements, j’avais déjà l’intime conviction que j’allais en faire la pièce principale de mon futur arsenal à touches… Il me restait encore à savoir lequel choisir 😀
Nord Lead 3
Nord, qu’on se le dise, c’est avant tout un look. Comment ne pas résister aux charmes de ces claviers carrossés de rouge ? Après avoir parcouru la gamme, la série LEAD s’est avérée la plus adaptée à ce que je recherchais en terme de sonorités.
La 4ème version du clavier venait alors de sortir et je me dirigeais naturellement vers la nouveauté. Après analyses et réflexion, j’ai finalement opté pour la version 3 dont l’ergonomie m’a séduit tout en me permettant de faire une économie substantielle, matériel d’occasion oblige.
L’absence de l’affichage led des réglages sur la nouvelle version aura surement été prépondérant ; mais pas que ! (voir plus bas)
J’aime donc particulièrement cette fonctionnalité qui indique précisément la valeur de chaque potentiomètre en fonction du preset sélectionné. Pour un débutant comme moi, cela permet de mieux appréhender les réglages de base afin de mieux construire mes sons ultérieurement. En outre, cela facilite grandement l’édition !
La quantité de presets usines constitue une large de base d’exploration. On arrive assez vite à ce qu’on veut à condition d’avoir pris le temps de les apprivoiser (et de s’en souvenir ! Vive les notes 😉 ).
Un de mes critères de sélection de clavier principal était que ce dernier devait être multitimbral (plusieurs sons sur des zones différentes du clavier), polyphonique (jouer plusieurs touches ensemble) et devait contenir au moins 4 octaves, contrairement au GAIA qui est polyphonique, mais monotimbral (plusieurs touches en même temps, mais du même son). Le Nord Lead 3 propose 4 canaux, soit 24 voix en polyphonie, réparties sur 4 groupes permettant de jouer 4 sons distincts.
Quant aux sonorités, pour faire court : elles sont au top. Fat au besoin, mais pas trop. Des pads vraiment musicaux, des enveloppes efficaces, des modulations vraiment sympa… dans un large panel de presets : bref, la qualité est au rendez-vous. Même les émulations d’autres claviers sont réalistes, avec à chaque fois la petite touche « Nord » au niveau du grain.
Dernier aspect positif à mettre en avant : la section filtre avec ses nombreuses options, très facile à piloter.
Les bémols ? J’aurais aimé un USB audio pour la connexion ordinateur, un clavier un peu plus haut de gamme (pas mal, mais ça pourrait avoir un meilleur touché, voire la fonction aftertouch), une vraie section arpégiateur programmable (ultra basique ici) et pourquoi pas des effets (intégrés, ou une boucle).
Dave Smith Instrument MoPho Keyboard
En marge d’un clavier à 4 octaves pour le MusicLab, je voulais upgrader ma configuration live avec un petit synthé nomade. Après avoir eu d’excellents échos sur la marque, j’ai profité d’un échange de matériel pour acquérir ce craquant petit MoPho Keyboard. Qui a dit que Nord avec l’exclusivité du bon goût en production moderne ? 😉
Il s’agit ici d’un synthé 32 touches (2 octaves et demie) avec aftertouch, monotimbral et monophonique (1 son à la fois et 1 note à la fois).
La prise en main est assez intuitive grâce à une interface claire et un bon nombre de potards à disposition. L’écran aurait quant à lui pu être un peu plus grand (ou incliné, pour être plus visible), mais on ne va pas trop se formaliser.
Le MoPho est assez polyvalent et excelle dans les sons les plus doux (pad) et leads expressifs. À l’inverse, il est capable de produire des sons agressifs et un peu métalliques, apportant une signature sonore différente de celle du Nord.
Il parait que les DSI ont un son un peu typé… si ça correspond à la signature sonore du MoPho : j’adhère à l’enseigne !
Il est capable de belles basses tendues, grâce aux 2 subs oscillateurs embarqués, mais sans atteindre la profondeur d’un Moog. Le feedback (qui officie un peu comme une distorsion) apporte quant à lui un surplus de gras lorsque c’est nécessaire.
Le clavier est très expressif et offre une belle dynamique de jeu et des modulations très sympas, bien rendues par la machine.
Il est en revanche parfois un peu trop mordant dans le haut du spectre. Le filtre Curtis permet cependant d’atténuer un peu cet aspect.
J’ai aimé le format compact, le look et les sonorités très complémentaires au Nord.
Un synthé « petit mais costaud » idéal pour enrichir sa palette sonore !
MOOG Minitaur
Le gras, c’est la vie : c’est bien connu.
Et en matière de synthé, le gras : c’est MOOG.
Le Minitaur est un module synthé dédié aux lignes basses. Pas de clavier ici, le module s’utilise via midi avec un autre clavier. Ça tombe bien, j’en ai 3 😉
Compact, léger et solide, le Minitaur jouit d’une l’interface logique et claire : la prise en main se fait ainsi très rapidement. La connexion USB et midi permet d’avoir accès à d’autres réglages et, vu l’usage assez limité de l’appareil (basses… et leads typés !), aller ajuster certains paramètres peut donner de nouvelles possibilités d’utilisation. L’interface sert également de stockage de presets, de quoi motiver les fainéants ! Notez également une connectique arrière assez complète.
Vous l’aurez compris : lire le manuel n’est pas superflu !
Ne vous fiez à pas la taille, c’est une brute !
Des basses riches puissantes, d’une belle profondeur avec ce grain et ce filtre aussi typiques que mythiques. De quoi invoquer la brown note et vous titiller les intestins !
Même à faible dosage dans le mix, le Minitaur apporte une chaleur incontestable au signal ; tant et si bien qu’il est difficile de le couper complètement lorsque je l’utilise en duo avec le MoPho.
Certes, il n’a pas la profondeur et la richesse de ces illustres prédécesseurs (que j’ai pu tester chez David, dans sa « petite » collection de claviers), mais il jouit d’un rapport qualité/prix indéniable et d’une facilité d’utilisation déconcertante (à condition de RTFM) par rapport aux modèles originels hors prix. Il n’égale pas, mais il fait quand même très bien ça 😉 J’en suis bien satisfait !
Forgive me for my synths
Et donc, de même manière que le guitariste se lance dans la quête du son à grand coup guitares, pédales et amplis, je comprends tout à fait mes amis claviéristes qui empilent les claviers, synthés et autres modules ! La tentation est partout.
J’ai senti la crise de GAS complète arriver, mais fort de mon expérience guitaristique en la matière, je me suis résigné à effectuer d’autres achats… après avoir craqué pour un module complémentaire pour le MoPho, le Tetra de Dave Smith, qui permet de passer le clavier en polyphonie. Un dernier pour la route, comme on dit… Shame on me 🙁
C’est là que je me suis dit que je m’égarais bien loin de mon sentier de prédilection et que j’avais d’autres projets à terminer. Il était temps de raison garder, et d’arrêter les frais. D’autant plus qu’en utilisant mon matériel « clavier hardware » en situation de composition, je me suis aperçu que ce n’était pas forcément la solution adaptée. Je vais y revenir.
All together
Ce sympathique arsenal est branché actuellement dans une petite table de mixage 4 pistes dans la configuration suivante :
#1 : Nord Lead 3
#2 : DSI Mopho
#3 : Moog MiniTaur
La 4ème entrée étant initialement prévue pour le module Tetr4 (revendu depuis).
Le MoPho est relié en midi au Moog dans ce setup, mais rien n’empêche de l’utiliser avec le Nord.
Typiquement, ça me permet de lancer une séquence sur le Lead3, et de jouer par au dessus avec le MoPho et/ou le MiniTaur (en combinant les 2 par exemple.) Je peux doser les niveaux de chacun, c’est très simple d’utilisation et surtout très fun ! (on se prend vite pour un DJ à s’extasier en tournant 2 boutons… merde ! 😀 )
Du point de vue composition
Forcé de constater qu’il n’était pas rare de perdre les modifications de presets ou qu’on ne retombe pas toujours sur le mojo d’une session de jam/d’enregistrement, j’ai également parfois été contraint de changer de tonalité sur de passage improvisé (mais conservé) et que ça me posait pas mal de problèmes de retomber sur les gimmicks et les réglages du moment capté.
J’imagine que ça ne pose pas trop de problèmes aux musiciens qui composent en groupe ou aux claviéristes avertis, qui peuvent rejouer facilement les différentes parties en connaissant parfaitement leur matériel (à condition d’avoir ledit matos à disposition), mais pour les song writers solos / claviéristes occasionnels dans mon genre : c’est une vraie perte de temps… D’autant plus que ces parties sont destinées à être jouées par d’autres en situation live à priori.
Vous allez me dire, c’est une question de branchements (et donc de matériel) : y aurait moyen d’enregistrer en midi + en audio (sauf si USB audio), et en cas de modifications, faire passer l’édition de la piste à nouveau dans le clavier et recapter l’audio. L’équivalent d’un reamping en guitare en somme. Ai-je besoin de le répéter ? #WasterOfTime
C’est là que la « magie » des plugins peut opérer.
Hardware vs Software
Entendons-nous bien, l’apprentissage par l’hardware me semble indispensable à la fois par sa vertu pédagogique en matière de triturage de sons et qu’en termes de sensations et de fun. C’est super amusant et, soyons honnête : on arrive vite à des résultats sympas ! De là à se prendre pour des 1er prix du Concours Reine Élisabeth, je ne dis pas ; mais avec un peu d’entrainement, on arrive vite aux résultats de la pop contemporaine ou l’électro commerciale. (je n’ai pas dit que c’était bien (ou « noble »), mais c’est fun 😉 )
Cependant, dans l’optique d’un outil de composition occasionnel pour un claviériste amateur tel que moi, l’investissement dans moult machines hors de prix n’a de sens. L’aspect pratique prime, et en 2014, les plugins de simulations de synthétiseurs couplés au mixage (et plugins de mixage adéquats) font largement l’affaire… à condition que la production ne soit pas trop classique (ou du moins acoustique) ou que le clavier ne soit pas votre instrument principal.
J’ai eu désormais l’occasion de faire plusieurs sessions d’enregistrements (à mon petit niveau) et de voir la réalité d’un bon nombre de grands studios belges lorsque je travaillais chez M2M Pro : tout le monde passe le cap, les plugins sont partout. Même les marques de hardware les plus réputées s’y sont mises (ou sont en train de s’y mettre). Cela va de même pour doubler des guitares désormais : le reamping se fait via plugins sur base d’une piste DI.
Dernier point à soulever, c’est l’importante dévaluation du hardware, hors modèles vintages recherchés. Cela va de même avec l’univers de la guitare, mais c’est peut-être plus prononcé ici.
L’exemple du Nord me semble assez parlant : à chaque nouvelle version du clavier, les modèles précédents perdent considérablement de leur valeur. Pour du matériel relativement haut de gamme (1600 euros neuf pour le NL4), faire divisé par 2 sur la valeur marchande une fois le nouveau modèle sorti me semble abusif. Oui, j’ai eu mon Lead 3 pour 800 euros et j’en suis ravi, merci ! (soit presque le prix du MoPho neuf).
Sauf exception, quand Fender sort une nouvelle version de son american standard, les anciennes versions ne perdent pas autant de valeur à l’argus.
Synthèse
En abordant la conclusion de cet article, je me sens obligé de repréciser que je suis ne m’adresse pas aux musiciens dont les claviers sont le 1er instrument. Ils entreprendront leur quête du son respective en fonction de leurs besoins et de leur sensibilité artistiques.
Je m’adresse donc aux musiciens touche-à-tout, compositeurs (en herbe ou pas) de leur état, qui veulent s’équiper « un peu, mais pas trop » pour faire plein de choses.
De la même manière que je conseillerais à un débutant en guitare de prendre un ampli à modélisations pour se faire l’oreille (et les doigts) et trouver sa voie, j’en suis arrivé à la conclusion que dans un objectif de composition : un bon programme et quelques plugins font l’affaire.
Certes, le feeling de jeu ne sera probablement pas aussi vivant et plaisant que d’authentiques bécanes analogiques, mais vous aurez tellement de facilités à éditer et sauvegarder une quantité (presque) sans limites de machines que vous ne pourrez que devenir adeptes des plugins, de plus en plus réalistes qui plus est.
Par ailleurs, si les ingénieurs du son et claviéristes pro les utilisent aussi : pourquoi pas nous ?
Mais pourquoi acheter des claviers hardware alors ?
Déjà parce qu’il vous en faudra impérativement un. Un clavier avec du MIDI embarqué qui va vous permettre de piloter ces fameux plugins (ou mieux, une connexion USB comme ça se fait maintenant). Vous n’êtes pas obligé de vous cantonner à un simple clavier maitre (qui ne fait que du pilotage MIDI) et vous pouvez utiliser votre synthé de telle sorte. Je peux piloter des plugins sur Logic Pro avec mon Nord connecté par exemple (idem avec le GAIA et le MoPho).
Ce n’est pas le même budget évidemment, mais cela permet de concilier une utilisation live et une expérimentation studio.
Il faut savoir que tous les systèmes sont +/- transportables. Vous pouvez donc aller jouer en live avec votre PC/Mac + clavier maitre (+ interface audio), tout comme vous pouvez transporter uniquement votre synthé stand-alone.
Une question à se poser également est le nombre d’octaves et autres fonctionnalités nécessaires pour votre set. Si le clavier est un deuxième instrument : avez-vous besoin d’autant d’octaves qu’en studio ? Ça prend vite de la place dans l’auto !
Si le clavier est l’instrument principal de vos compos, la donne change un peu.
Déjà, soit vous aurez engagé un vrai claviériste, soit vous aurez probablement investi un peu plus l’univers des synthés et mes conseils ne s’appliquent plus à vous, car vous en savez autant, si pas plus, que moi.
Je reste convaincu que l’instrument qui porte le morceau se doit être le meilleur possible. Et donc, j’en réfère aux machines, aux vraies (ca n’engage que moi, tapez pas !). Du coup, c’est pas mal d’avoir un ou deux bonnes bécanes sous la main !
Et si vous arrivez à les reproduire à coup de plugins : tant mieux, ce sera ça de gagné ! (mais vous noterez que si vous prenez le temps d’enregistrer le synthé hardware, ne fut-ce que pour comparer, et que vous n’arrivez pas à avoir aussi bien ou mieux : vous pouvez aussi bien la garder 😉 )
Après quelques tests dans la caverne d’alibaba de David, certains plugins équivalaient les originaux à l’enregistrement, mais pas tous (et parfois avec de grands écarts).
C’est pour la même raison que les guitaristes ne revendent pas tout leur matériel pour jouer uniquement sur des plugins ; même si les deux mondes sont un peu différent.
Côté guitares, en condition live, la sensation d’un plugin dans une enceinte de monitoring ne sera jamais la même que la pression acoustique d’un speaker guitare. Le feeling et le plaisir ne sont pas les mêmes, ça se ressent à la prise de son. Ca fait le job, mais sans plus.
Pour mixer par contre, on se sert de la prise DI faite avec les amplis qui hurlent et on cherche des sonorités complémentaires à coup de plugin. Là, ça fonctionne à merveille et fait gagner du temps précieux !
Une fois les pistes mixées, je vous défie par contre de reconnaître la guitare modélisée de l’originale. Vive la technologie : l’illusion devient de plus en plus crédible (pour les meilleurs logiciels).
Côté synthétiseurs, il faut bien avouer que les différences sont un peu moins marquées. Mon manque de culture du clavier n’aide surement pas à éclairer mon jugement, mais après 6 bons mois d’exploration, je m’amuse autant avec des plugins qu’avec des machines en live.
J’insiste sur le plaisir, car c’est avant tout de ça qu’il s’agit. l’aspect pratique vient ensuite. C’est dans le plaisir et l’émotion que jaillissent les plus belles inspirations 😉
Bref, je me suis posé toutes ces questions :
Je n’étais pas prêt à transporter mon ordinateur en live en plus de toute la kyrielle de matériel que je transporte déjà. Je voulais quelque chose de petit, à l’instar du GAIA, mais un peu plus raffiné soniquement parlant. Mais je voulais aussi remplacer mon clavier maitre 4 octaves par quelque chose de complet et facile d’utilisation. Disons que le Moog s’est rajouté en fin de parcours et que le Tetr4 était une crise de GAS non contrôlée 😉
Les plugins suffisent, mais les machines apportent un complément fun non négligeable.
Attention, si vous êtes un « un peu fan de matériel » comme moi, sachez que vous risquez d’ouvrir une nouvelle boite de pandore et de partir dans une nouvelle spirale infernale de GAS !
Prenez vos précautions 😉