Suite à mon article sur sa Springbox et sur mon test de deux de ces amplis, la discussion a fini par s’engager avec Philipe Moteau aka Mister Vizy.
Découvrant peu à peu la démarche et l’homme derrière l’enseigne, j’ai jugé bon de compiler nos échanges sous forme d’e-view pour partager avec vous sa vizion et contribuer à ma manière, à faire perdurer ce que je considère comme une excellente manufacture.
Bonjour Philippe ! Pouvez vous nous raconter en quelques lignes votre parcours et l’histoire de VIZY Amplification ? Comment en êtes-vous arrivé à construire vos amplis et à vouloir en vivre ?
J’ai commencé à flirter avec l’électronique à 12 ans et j’ai toujours été intéressé par le fonctionnement des choses (ou leur non-fonctionnement d’ailleurs !!). Cela dit, bien avant cela, j’avais été comme hypnotisé par le rougissement des lampes du téléviseur du salon que je m’efforçais de repérer à travers le carter de protection de derrière.
Et puis il y avait aussi cette douce chaleur et cette odeur de poussière brûlée qui s’en dégageait.
Je prenais mon vélo, le mercredi après-midi, et j’allais dans une décharge à quelques kilomètres de la maison pour y récupérer sur de vieux châssis toutes sortes de composants électroniques dont je ne connaissais même pas le nom ou même l’utilité, mais malgré tout, je trouvais ça beau avec toutes ces couleurs. Il va sans dire que mes montages avaient avec ces pièces de récupération et mes connaissances proches du nul, peu de chances de fonctionner. Je revenais parfois en passant par les compagnons d’Emmaüs pour y acheter pour quelques francs d’argent de poche de vieilles TSF que je sacrifiais sur l’autel de la découverte.
Et puis les années ont passées et, dans un déménagement, j’ai remis les mains sur une vieille radio de 1935, à lampes bien sur, et entrepris de la remettre en marche. J’avais bien fait, sans le savoir, de la mettre de côté étant gamin. J’étais loin de soupçonner l’existence des quelques centaines de volts qui se promènent dans ce genre d’appareil.
Bien plus tard, il y a eu internet, et avec, la possibilité d’avoir accès à bien des conseils et informations. Je suis donc partis en quête de savoir sur différents forums spécialisés et principalement en prenant contact avec d’anciens artisans radio/télé.
Et puis les TSF m’ont lassées bien que je garde toujours une certaine curiosité de ce côté-là, car les choix technologiques qu’on trouve à l’intérieur sont parfois aussi d’intéressantes sources d’apprentissage. L’intérêt des lampes m’est resté grâce à ces anciennes radios dont la plus grande partie de celles que je possède à ce jour a probablement annoncé le débarquement de Normandie !
Comme je commençais toujours par dépanner l’étage de puissance (et oui, même avec 3 ou 4 watts on parle de puissance !) je me suis familiarisé avec les pentodes et autres tétrodes ce qui m’a rapidement poussé à faire, ayant jadis joué un peu de guitare, un premier ampli de 4 watts avec des pièces de TSF.
Je suis très vite passé aux puissances supérieures en découvrant le push-pull. Un premier 15 watts pour lequel j’ai reçu quelques éloges d’amis guitaristes et il n’en fallait pas plus pour moi pour tomber dans la marmite ! Depuis, pour la petite histoire, tous jouent sur des Vizy.
Après, de là à joindre l’utile à l’agréable, il n’y avait qu’un pas. Il m’a fallu rapidement créer une petite entreprise pour officialiser tout ça…
Pour l’instant, l’entreprise n’ayant pas encore ses deux ans, je ne pourrais que difficilement faire vivre une famille sereinement, c’est pour cela que pour l’instant je cumule un autre emploi pour nourrir femme et enfants.
Les journées sont bien remplies… mais on n’a rien sans quelques sacrifices.
C’est sûr, mais le jeu en vaut la chandelle !
Quelle est la philosophie de conception des amplis Vizy ?
J’ai deux lignes maitresses dans la conception, la première est issue de mon bazar cérébral. Si un matin je me lève avec une idée d’ampli particulière, je vais le fabriquer et le proposer à la vente, là, on est dans la pulsion ce qui fait que chaque modèle est unique et tant mieux, je prendrais bien moins de plaisir si je devais faire toujours les mêmes amplis… Maintenant, il m’est concevable de faire plusieurs châssis identiques avec un « habillage » différent. C’est d’ailleurs le cas de ma petite série des « Brothers » dont le seul exemplaire restant disponible est au magasin « Guitare Village » à Domont (dépt 95) en France.
Deuxièmement, il y a la demande client ou là, l’ampli naît d’une idée ou d’un besoin du guitariste. Mon boulot est d’arriver à traduire cela matériellement, c’est pour cela que chaque création nécessite plus qu’une relation, presque un partenariat pour amener à bien l’accouchement de l’enfant illégitime !
Plus sérieusement, je me mets à l’écoute du guitariste et ensuite j’essaie de traduire ce que je pense avoir compris par un avant-projet que je propose à l’essai à son (ou sa !) futur(e) propriétaire. C’est un peu comme la haute couture, parfois il faut reprendre les ourlets ou rallonger les manches.
Évidemment, cela est valable aussi pour le look ou entrent alors les notions de formes, de couleurs, de matières. C’est vraiment passionnant et c’est aussi ce qui fait que chaque modèle est unique.
Quelles sont actuellement les capacités de productions ?
Je n’aurais jamais les capacités de production des grandes ou moyennes marques du marché. Le temps pour accoucher d’un modèle est très variable et comme je travaille seul pour ma production et il y aura bientôt quelques délais d’attente pour qui voudra du VIZY.
Admettons que le buzz se crée autour de la marque, envisageriez-vous d’augmenter le volume de production d’une manière ou d’une autre pour répondre à la demande ou préférez-vous rester dans un cadre exclusif « à la Dumble » (en plus accessible quand même :D) ?
Je recherche quotidiennement des solutions pour réduire mes temps de fabrication (je n’aime pas le mot « production », il signifierait pour moi la fin du plaisir de créer) mais par contre, je ne sacrifie rien sur la qualité de mes prototypes.
Une chose est sure maintenant, mon schéma actuel me convient et je tiens à rester seul à la création de mes produits. Je ne veux surtout pas devenir une machine à produire, je préfère rester dans un cadre « à la Vizy » 😉
Et c’est tout à votre honneur ! Revenons-en à vos réalisations, et plus particulièrement leur look très réussi (très à mes goûts devrais-je dire). Les designs sont-ils faits sur demande ou c’est laissé à votre appréciation personnelle (avec quelques consignes éventuellement) ?
Disons qu’à 95%, j’ai carte blanche sur le look. Je design un ampli comme je le ferais pour moi, je m’impose qu’il soit esthétiquement réussi et d’ailleurs, j’utilise parfois quelques règles d’architecture pour assurer un ensemble harmonieux. Mes clients précisent leurs choix de couleurs, ensuite, ils me font généralement confiance.
Je travaille aussi en ce moment à la réalisation de mes propres boutons de potentiomètres, carrément « taillés dans la masse » !
On peut voir une preview ? En quoi cela consiste-t-il exactement ?
Il y a deux modèles pour l’instant, directement tourné dans un bloc d’aluminium, :
– un que je nommerai le « standard » (cylindre Ø 21,5mm, H 20,5mm),
– et le « piston » (Ø 21,5mm , H 25mm) avec les gorges à segments, le trou pour l’axe et les dégagements sur le dessus pour les passages de soupapes (faisant office de curseur pour indiquer la position) pour évoquer un piston.
Sur le modèle standard, le curseur et le trou fileté pour la fixation sur l’axe du potentiomètre sont faits en fonction des besoins.
Quel boulot ! Superbes ces knobs !
Au niveau de la mise au point des amplis, arrivez-vous facilement à vous dire « ok, il est bon là, je n’y touche plus » ? J’imagine que l’envie d’améliorer sans cesse doit être parfois frustrante lorsqu’il est l’heure de clôturer un projet…
Ha, Ha, Ha… La mise au point ! C’est bien souvent le pire moment du processus, car c’est là que tombe le verdict. Il m’arrive parfois de passer des jours entiers pour arriver à ce qu’il faut et il m’est aussi arrivé de refaire entièrement un châssis (de A à Z)…
La conception des amplis à lampes n’est pas une science exacte, bien sûr, il y a des figures imposées sur lesquelles on est obligé de s’incliner, mais quand on est comme moi à la création de prototypes, il n’y a aucun référentiel sur lequel asseoir l’élaboration.
Le simple fait de déplacer un fil de quelques millimètres peut avoir des résultats plus que surprenants. Aussi, l’implantation des divers composants électroniques doit être particulièrement étudiée. Il ne suffit pas de souder un à un les différentes résistances ou condensateurs ou de suivre un schéma « à la ligne » pour qu’un ampli fonctionne. Je suis mon propre apprenti chaque jour.
Et, à l’opposé de cela, tout comme le dernier combo, il était « Vizy Approuved » dès la dernière soudure !
Concernant le choix des lampes, comment cela se passe-t-il ?
J’aime beaucoup utiliser du NOS pour la fiabilité et la longévité (je serais aussi tenté de dire pour leur beauté…). Je travaille fréquemment avec des lampes militaires américaines des 40’s 50’s avec un bonheur immense et une quiétude insolente.
Je suis assez prudent avec les productions modernes et je n’utilise (évidemment) jamais une lampe sans l’avoir préalablement testé. À mon sens, la façon d’utiliser ces lampes récentes est à mon avis bien plus importante que la marque inscrite dessus. Il y a du bon un peu partout (et son contraire aussi), l’important est de les considérer dans leur contexte d’utilisation en jouant sur leurs qualités et leurs défauts.
Du NOS en configuration de base, j’aime ! Quid si on veut relamper son ampli à l’identique ? Ce n’est pas toujours évident de trouver des références en bon état à prix corrects (et des vendeurs sérieux)…
J’y ai effectivement pensé ! Essayant de fonctionner au maximum avec des tubes NOS américains ou européens, je me constitue en ce moment (et de manière permanente) un stock de lampes anciennes afin de pouvoir subvenir aux besoins de mes clients. Mais je ne néglige pas pour autant la production actuelle qui, après tri, s’avère pratique et efficace malgré tout !
Bien vu Vizy ! Et à propos de voir : où peut (et pourra) on tester et craquer sur vos réalisations ? Des expositions, nouveaux points de ventes de prévus ?
Dans l’immédiat, cela se passe chez Guitare Village (F) et chez Crushthebutton (B).
Côté expo et salon, je n’en suis pas encore très friand hormis la convention de la guitare d’Issoudun (F) où j’exposais encore cette année sur le salon luthier du 29 au 30 octobre dernier.
Et pour les prochains points de vente, les choses qui devront se faire se feront le moment venu.
Un grand merci d’avoir pris le temps de répondre à ces quelques questions ! N’hésitez pas à donner des nouvelles, les belles réalisations de la sorte méritent d’être plébiscitées !
Merci Max, sur ce, je vais boire un coup !
Moi de même… Santé ! 😉
Pour terminer, voici quelques clichés d’une prochaine fournée de VIZY.
Un premier, marron et noir équipé d’un 15″ et guirlande entièrement en NOS excepté la redresseuse JJ (2 x 6SQ7; 1 x 6N7 et 2 x 6L6gc Sylvania) :
Et le « T-Vizy », noir et gris, toujours en cours de développement, d’une puissance de 40w et sera loadé avec un HP à atténuateur incorporé (ReignMaker, -9dB en « Max Attenuation ») :
Appétissants, pas vrai ?
Y a plus qu’à faire des samples m’sieur Vizy 😉